[6] printemps 2013
Le chant des oliviers
[6] pages 3-7

Harakopio, Péloponnèse, 24 dé­cembre 2012. Je regarde quatre petits vieux assis à une table du kafénion. Ils tapent le carton. Et comme tous les joueurs de cartes du monde, ils oscillent entre des moments de grande concentration silencieuse et des moments de véhémence, quand ils refont le match ou s’engueulent pour des questions de tactique ou de points.
Philippe Constantin, Philippe Macasdar
À hauteur de conscience
[6] pages 9-11

Il me semble que je voyageais déjà avant ma naissance et que je continuerai après ma mort. Pendant ce voyage, je n’avais pas de but et donc pas de point de départ ni d’arrivée. J’ai dû passer au moins une année complète à marcher d’une école à une autre, une autre année encore, ou plus, secoué comme un prunier en conduisant ou en roulant sur des milliers de kilomètres de routes en terre, alors que je traversais dans tous les sens l’Afrique et une partie de l’Asie.
> À hauteur de conscience (Éditions Antipodes)
Nicholas Bennett
Le théâtre comme renaissance
[6] page 12

Il incarne Brutus dans Cesare deve morire des frères Taviani. Salvatore Striano est sans doute le seul des acteurs du film à être retourné en prison pour le tournage. Car cet homme de 40 ans vit aujourd’hui de son travail d’acteur, après un important passé de criminel et de détenu.
Maurizio Di Rienzo
Les Taviani, maîtres artisans du cinéma italien
[6] page 13

Il y a des cinéastes qui nous accompagnent depuis que nous avons commencé à aller au cinéma. Dès les années 60, les films de Paolo et Vittorio Taviani ont animé les débats et déchaîné les esprits de nombreuses générations de cinéphiles.
Chicca Bergonzi
La liberté, un métier
[6] pages 14-21

Cent quatre-vingts hommes originaires de plus de quarante nations sont détenus au pénitentier de Thorberg, dans le canton de Berne. Les motifs de leur incarcération sont: crime grave, récidive, dangerosité pour la collectivité et risque d’évasion. Le cinéaste Dieter Fahrer a côtoyé trois ans durant ce monde à l’écart, dont la société a depuis longtemps détourné le regard.
Dieter Fahrer, Jean Perret
«Mais c’est de la folie!»
[6] pages 23-24

Il est des mots qui s’emploient innocemment. Spontanément. Vous déballez un cadeau, souhaitez témoigner votre enthousiasme à la personne qui vous l’a offert, et voilà que vous lancez: «Mais c’est de la folie!» Paradoxe d’un mot qui par ailleurs fait peur et exclut. Tabou des maladies mentales, et même des simples accidents de parcours.
Élisabeth Chardon
L’assourdissant silence des images
[6] pages 26-29

Les années 1937 et 1938 marquent en Union soviétique l’apogée de la Grande Terreur stalinienne. 750’000 personnes sont condamnées à mort et exécutées dans ces seules deux années, 800’000 encore envoyées au Goulag. Cette opération de grande envergure à l’échelle du territoire entier concerne toutes les couches de la population sans exception. Autant de personnes oubliées ainsi dans des charniers pendant au moins un demi-siècle, à moins qu’elles ne hantent les mémoires des proches et des témoins condamnés au silence. Désormais, on sait. Depuis 1988, l’association Memorial mène un travail de fond pour que les victimes se voient au moins reconnaître le droit fondamental à la vérité. Le photographe et journaliste polonais Tomasz Kizny publie aujourd’hui cette topographie de la Terreur, fruit d’une enquête menée de 2008 à 2011. L’ouvrage réunit les visages de victimes avant leur exécution, et ses propres photographies des paysages qu’on sait, ou qu’on suppose, abriter dans leurs sols des milliers de morts.
> La Grande Terreur en URSS 1937-1938 (Éditions Noir sur Blanc)
Christian Caujolle, Tomasz Kizny
Passage
[6] pages 32-35

«L’adolescence est un royaume d’anges déchus ou sur le point de l’être, mais c’est encore un royaume.» (James Agee)
Claudine Doury, Laura Pannack
 
Séismes
[6] pages 34-35

On ne pouvait plus se baigner dans la rivière depuis les fuites à l’usine. Sur toute la berge, ça sentait une odeur de gaz et à certains endroits, le poisson mort. La municipalité avait interdit la pêche sur tout le tronçon. Malgré tout, Tine et Sara passaient leur temps sur la digue. Là, aucun adulte ne venait les déranger. Elles s’y donnaient ­rendez-vous après les cours. Pour les re­trouver, il suffisait de quitter le village par la route sud, longer les terrains de sport puis la maigre forêt et une sorte de mur ap­paraissait alors, barrant une bonne moitié du ciel.
> Séismes (Éditions Zoé)
Jérôme Meizoz
Allez les filles!
[6] pages 36-39

Les filles et le sport, ce n’est pas la même chose que les garçons et le sport. Elles s’engagent moins et moins longtemps, et cette différence s’aggrave si l’on y ajoute les inégalités sociales et culturelles. En Suisse romande, certains clubs sportifs ont toutefois pris le contrepied. C’est le cas en football féminin et en twirling bâton. Ils offrent aux filles un espace d’intégration, d’appartenance et de reconnaissance sociale.
Michel Bührer
Sur les branches des cerisiers en fleurs, la vie et le cinéma
[6] pages 40-41

Ce très grand livre blanc, avec son ensemble d’images inspirées en déclinaisons de blancs et de noirs capiteux, ­célèbre la naissance d’un enfant, de tous les enfants du monde. Dû au photographe japonais Shunji Dodo, cet ouvrage de garde (comme on dit vin de garde) recèle plusieurs récits, dont celui de la fameuse cinéaste Naomi Kawase. Ce livre est édité par Yoshinori Nomura, qui tient à Yamagata et Tokyo les Gallery Out of Place, deux espaces d’expositions et d’édition d’œuvres élues avec un soin distingué et généreux.
Jean Perret
L’île des cobras et des noix de cajou
[6] pages 42-43

On connaît Phuket. On connaît Koh Tao pour la plongée, Koh Phangan pour l’enivrante fête de la pleine lune et Koh Phi Phi pour avoir servi aux décors de La plage, ce film très critique sur une communauté de routards utopique qui tourne à l’enfer. En Thaïlande, le touriste a le choix entre un grand nombre d’îles dont le charme et les spécificités sont bien définies. À qui ne désire que le rien, le vide, l’absence d’aucune de ces caractéristiques et le côtoiement du silence, il faudra chercher un peu plus loin.
Aude Seigne
 
Chronique
Jean-Louis Boissier, Mathieu Menghini, Jérôme Stettler
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