[13] hiver 2014-2015
Nager dans les lumières d’Izmir
[13] pages 3-5
Sur une plage grecque, œufs de tortue et soleil d’automne. Sentir le temps, long. Rêver. De détacher les chiens et les Balkans. Oublier les frontières. Écouter le murmure des fantômes, ceux de Thessalonique, ceux de Gallipoli. Et partir avec eux jusqu’en Turquie. Éclairer notre nuit.
Sur une plage grecque, œufs de tortue et soleil d’automne. Sentir le temps, long. Rêver. De détacher les chiens et les Balkans. Oublier les frontières. Écouter le murmure des fantômes, ceux de Thessalonique, ceux de Gallipoli. Et partir avec eux jusqu’en Turquie. Éclairer notre nuit.
Monthey, mémoire de la terre
[13] pages 6-17
Très tôt, mes semelles s’imprègnent de l’encre noire des sols. Les phares exorbités des voitures figent la brume veinée par les fumées nocturnes. Chuintement, vapeur blanche tu dessines le ciel.
Le soir, parfois, une odeur à l’humidité verte et sucrée nous pénètre. Mon frère n’aime pas manger les légumes de ce jardin, me dit-il trente ans plus tard. (…) Près de 5600 m3 de matériaux sont retirés des veines des canaux, en 2014. Curetage, tubes, prélèvements: le paysage se fait incise – corps malade – traversée d’un réseau insaisissable. (…) L’enfant que j’étais mange alors des framboises de notre jardin, la bouche rouge de milliers de grains éclatés. Aujourd’hui, mes questions affleurent.
Très tôt, mes semelles s’imprègnent de l’encre noire des sols. Les phares exorbités des voitures figent la brume veinée par les fumées nocturnes. Chuintement, vapeur blanche tu dessines le ciel.
Le soir, parfois, une odeur à l’humidité verte et sucrée nous pénètre. Mon frère n’aime pas manger les légumes de ce jardin, me dit-il trente ans plus tard. (…) Près de 5600 m3 de matériaux sont retirés des veines des canaux, en 2014. Curetage, tubes, prélèvements: le paysage se fait incise – corps malade – traversée d’un réseau insaisissable. (…) L’enfant que j’étais mange alors des framboises de notre jardin, la bouche rouge de milliers de grains éclatés. Aujourd’hui, mes questions affleurent.
Écrits du Valais
[13] page 19
Fragments de Maurice Chappaz, Éric Masserey, Béatrice Monnard et Olivier Taramarcaz.
> Écrits du Valais. Une anthologie (Éditions d’autre part)
Fragments de Maurice Chappaz, Éric Masserey, Béatrice Monnard et Olivier Taramarcaz.
> Écrits du Valais. Une anthologie (Éditions d’autre part)
Rencontres de rivages
[13] pages 20-21
«Je laisse la photographie exister comme photographie; permettre l’acte de regarder devenir l’“acte de découvrir”. En créant une relation intime avec ce qui m’entoure, je cherche à explorer ce qui est infiniment riche et complexe dans ce monde. Ainsi, j’étends ma propre perception de ce monde dans lequel j’existe.» (Shunji Dodo)
«Je laisse la photographie exister comme photographie; permettre l’acte de regarder devenir l’“acte de découvrir”. En créant une relation intime avec ce qui m’entoure, je cherche à explorer ce qui est infiniment riche et complexe dans ce monde. Ainsi, j’étends ma propre perception de ce monde dans lequel j’existe.» (Shunji Dodo)
Parmi toute mémoire
[13] page 22
granit / mousses / humus / granit / chênes / poids
à mesure que l’axe / la nasse / pierres couvertes tant de fois / de tant de mousses / lignifient / têtes vertes au ras des masses du sol humide noire étendue / où bien des fois se sont passées
granit / mousses / humus / granit / chênes / poids
à mesure que l’axe / la nasse / pierres couvertes tant de fois / de tant de mousses / lignifient / têtes vertes au ras des masses du sol humide noire étendue / où bien des fois se sont passées
Bal exquis aux Libellules
[13] pages 23-28
Genève a ses banlieues et parfois elles ont été délaissées. Dans cette barre de la ville de Vernier en pleine réhabilitation, une douzaine de dessinateurs inaugurent un nouveau pavillon destiné à l’art. Ils ont travaillé sur place, partagé du temps avec les habitants.
Genève a ses banlieues et parfois elles ont été délaissées. Dans cette barre de la ville de Vernier en pleine réhabilitation, une douzaine de dessinateurs inaugurent un nouveau pavillon destiné à l’art. Ils ont travaillé sur place, partagé du temps avec les habitants.
La Fosse
[13] pages 29-31
Elle est debout dans le hall de la gare, tête rejetée en arrière, et parcourt en marmonnant les liaisons ferroviaires sur le panneau. Je vais prendre celui-là. Vingt-deux heures cinquante-huit. Encore huit minutes. M’acheter un billet? M’en fumer une petite?
> Mémoire de poisson rouge (Éditions d’en bas)
Elle est debout dans le hall de la gare, tête rejetée en arrière, et parcourt en marmonnant les liaisons ferroviaires sur le panneau. Je vais prendre celui-là. Vingt-deux heures cinquante-huit. Encore huit minutes. M’acheter un billet? M’en fumer une petite?
> Mémoire de poisson rouge (Éditions d’en bas)
Lettres d’amour à Lélo Fiaux
[13] pages 32-33
[New York, 7 avril 1936]
Chère Lélo,
J’ai reçu ce matin ta lettre où tu me décris les beautés de ta vie à Tahiti – évidemment si ton bonheur est là il n’y a aucune raison que tu laisses cette île – mais tu es injuste pour le reste du monde qu’on appelle civilisé – c’est-à-dire que c’est justement ce monde qui a produit ces belles peintures et cette magnifique musique que tu aimes – et qui a découvert Tahiti – d’ailleurs tout n’est pas si horrible comme tu penses – il est vrai que la guerre se prépare mais il y aura toujours des coins charmants et pacifiques – (…)
> Lettres d’amour à Lélo Fiaux (Éditions Zoé / Musée Jenisch)
[New York, 7 avril 1936]
Chère Lélo,
J’ai reçu ce matin ta lettre où tu me décris les beautés de ta vie à Tahiti – évidemment si ton bonheur est là il n’y a aucune raison que tu laisses cette île – mais tu es injuste pour le reste du monde qu’on appelle civilisé – c’est-à-dire que c’est justement ce monde qui a produit ces belles peintures et cette magnifique musique que tu aimes – et qui a découvert Tahiti – d’ailleurs tout n’est pas si horrible comme tu penses – il est vrai que la guerre se prépare mais il y aura toujours des coins charmants et pacifiques – (…)
> Lettres d’amour à Lélo Fiaux (Éditions Zoé / Musée Jenisch)
Trois films à venir
[13] pages 36-37
Avant même le tournage de Sauvage (2010), le cinéaste Jean-François Amiguet lançait le projet d’une trilogie. «Les sujets relèvent de l’autofiction. Dans le contexte actuel du cinéma suisse, il me paraît en effet opportun de repartir de ce que j’appelle nos fondamentaux, c’est-à-dire nos histoires, ici et maintenant, avec des comédiens romands et des moyens de production modestes.»
Avant même le tournage de Sauvage (2010), le cinéaste Jean-François Amiguet lançait le projet d’une trilogie. «Les sujets relèvent de l’autofiction. Dans le contexte actuel du cinéma suisse, il me paraît en effet opportun de repartir de ce que j’appelle nos fondamentaux, c’est-à-dire nos histoires, ici et maintenant, avec des comédiens romands et des moyens de production modestes.»
Le miel de l’amer
[13] pages 39-41
Juillet 2010, Maaloula, Syrie. Un chant venu de la montagne. Un chant en araméen. Un chant de la mémoire, de ceux qui aiment leurs terres, qui leur sont fidèles. Ils nourrissent encore ce cordon. Je pense alors: beauté et secret sont connectés, le sacré et l’invisible. Je ne prends aucune photo, pour ne plus alimenter cette mémoire-là du monde. Je garde dans mon cœur cette beauté et jure de revenir. Quelque temps plus tard, la Syrie devient un champ de bataille. Y retourner est impossible. Mais demeure intact le désir de retrouver cette émotion du sublime.
Juillet 2010, Maaloula, Syrie. Un chant venu de la montagne. Un chant en araméen. Un chant de la mémoire, de ceux qui aiment leurs terres, qui leur sont fidèles. Ils nourrissent encore ce cordon. Je pense alors: beauté et secret sont connectés, le sacré et l’invisible. Je ne prends aucune photo, pour ne plus alimenter cette mémoire-là du monde. Je garde dans mon cœur cette beauté et jure de revenir. Quelque temps plus tard, la Syrie devient un champ de bataille. Y retourner est impossible. Mais demeure intact le désir de retrouver cette émotion du sublime.
Chronique
