[29] hiver 2018-2019
Isabelle Eberhardt, de l’une à l’autre
[29] pages 3-11
En une courte existence, voilà une femme qui a ouvert de vastes chemins de liberté, tant par ses choix de vie que par son écriture. Elle est morte à 27 ans dans le désert, au milieu de cette Algérie qu’elle avait élue. Elle était née en 1877 et avait grandi à Genève, où une exposition lui est consacrée, et où ses phrases se donnent à lire dans la ville.
En une courte existence, voilà une femme qui a ouvert de vastes chemins de liberté, tant par ses choix de vie que par son écriture. Elle est morte à 27 ans dans le désert, au milieu de cette Algérie qu’elle avait élue. Elle était née en 1877 et avait grandi à Genève, où une exposition lui est consacrée, et où ses phrases se donnent à lire dans la ville.
Batailles d’Alger
[29] pages 12-13
Dans son documentaire récent, La Bataille d’Alger, un film dans l’histoire, Malek Bensmaïl raconte le tournage du premier film produit par l’Algérie nouvelle, réalisé par l’Italien Gillo Pontecorvo, qui obtint le Lion d’or à Venise en 1966. Il évoque aussi les multiples utilisations, manipulations et instrumentalisations dont le film a été l’objet jusqu’à aujourd’hui. Depuis la « bataille » elle-même, moment crucial de la guerre d’Algérie, en 1957, jusqu’aux conflits insurrectionnels du XXIe siècle, une succession d’opérations stratégiques sont ainsi dévoilées. Stratégies militaires mais surtout stratégies liées à l’image, à la représentation.
Dans son documentaire récent, La Bataille d’Alger, un film dans l’histoire, Malek Bensmaïl raconte le tournage du premier film produit par l’Algérie nouvelle, réalisé par l’Italien Gillo Pontecorvo, qui obtint le Lion d’or à Venise en 1966. Il évoque aussi les multiples utilisations, manipulations et instrumentalisations dont le film a été l’objet jusqu’à aujourd’hui. Depuis la « bataille » elle-même, moment crucial de la guerre d’Algérie, en 1957, jusqu’aux conflits insurrectionnels du XXIe siècle, une succession d’opérations stratégiques sont ainsi dévoilées. Stratégies militaires mais surtout stratégies liées à l’image, à la représentation.
Le bruit de fond de l’Amérique
[29] pages 16-18
Cet automne est publié à titre posthume Pardon pour l’Amérique, dont les prémices étaient parues dans ces pages en automne 2017. Donner à lire des textes qui n’ont pu trouver place dans l’ouvrage, c’est pour nous une façon d’entendre et de faire entendre la voix de Philippe Rahmy, dont la force est encore vive et nécessaire.
Cet automne est publié à titre posthume Pardon pour l’Amérique, dont les prémices étaient parues dans ces pages en automne 2017. Donner à lire des textes qui n’ont pu trouver place dans l’ouvrage, c’est pour nous une façon d’entendre et de faire entendre la voix de Philippe Rahmy, dont la force est encore vive et nécessaire.
Je me souviens de son visage, d’un regard qui accueille comme à bras ouverts
[29] pages 18-19
Nous sommes en cours de philosophie, ou bien en cours de littérature, il y a vingt ans peut-être. André Wyss – qu’il désignera, dans la dédicace de son premier recueil, comme son «professeur et ami» – esquisse la différence entre la prose et la poésie. Elle est infime: réversibilité des fleurs et de la pourriture.
Nous sommes en cours de philosophie, ou bien en cours de littérature, il y a vingt ans peut-être. André Wyss – qu’il désignera, dans la dédicace de son premier recueil, comme son «professeur et ami» – esquisse la différence entre la prose et la poésie. Elle est infime: réversibilité des fleurs et de la pourriture.
L’appareil
[29] pages 22-23
Un mot, un seul: photographie. Un sujet, un sujet d’écriture. Un silence d’abord, un silence et un temps: monter silencieusement sur le tremplin… L’illusion que l’on prend de la hauteur… Et voilà que j’ai dû manquer un échelon, qu’il m’a fallu me rattraper: on dit plus de peur que de mal; on dit: s’en être sorti sans dommage. On dit, comme on claque une porte. Mais cette fois, après avoir écrit un mot, un seul, seul sur la page, le mot appareil, la porte a volé en éclats. Il est resté seul, le mot sur la page, durant trois jours, le temps de laisser infuser l’angoisse, le temps d’obtempérer à l’injonction, de passer aux aveux, de me mettre à table. Oui, oui, d’écrire le mot appareil sur une page a fait se lever les souvenirs, souvenirs de boîtes noires inquiétantes, souvenirs de souriants mensonges devant le petit oiseau qui va sortir. (…)
Un mot, un seul: photographie. Un sujet, un sujet d’écriture. Un silence d’abord, un silence et un temps: monter silencieusement sur le tremplin… L’illusion que l’on prend de la hauteur… Et voilà que j’ai dû manquer un échelon, qu’il m’a fallu me rattraper: on dit plus de peur que de mal; on dit: s’en être sorti sans dommage. On dit, comme on claque une porte. Mais cette fois, après avoir écrit un mot, un seul, seul sur la page, le mot appareil, la porte a volé en éclats. Il est resté seul, le mot sur la page, durant trois jours, le temps de laisser infuser l’angoisse, le temps d’obtempérer à l’injonction, de passer aux aveux, de me mettre à table. Oui, oui, d’écrire le mot appareil sur une page a fait se lever les souvenirs, souvenirs de boîtes noires inquiétantes, souvenirs de souriants mensonges devant le petit oiseau qui va sortir. (…)
Une violence indicible
[29] pages 24-26
Depuis 2012 en Syrie, mais sur d’autres terrains de guerre aussi, Matthias Bruggmann, prix Élysée 2018, n’a de cesse de complexifier notre regard, et notre réflexion, sur la violence des conflits. Pour cela, il ne s’épargne, n’y ne nous épargne rien, ajoutant sans cesse de nouvelles informations à nos visions étriquées, photographiant le plus violent comme le plus anodin, pour nous confronter de manière profonde à ces questions essentielles à notre humanité. Nous publions ici, outre trois images de son exposition à l’Élysée, qu’il commente un peu plus largement pour La Couleur des jours, une adaptation d’un texte publié en anglais dans Foam Magazine en 2015 sous le titre «When Force is gone, there’s always mom» et qui étaie l’opiniâtreté de sa démarche.
Depuis 2012 en Syrie, mais sur d’autres terrains de guerre aussi, Matthias Bruggmann, prix Élysée 2018, n’a de cesse de complexifier notre regard, et notre réflexion, sur la violence des conflits. Pour cela, il ne s’épargne, n’y ne nous épargne rien, ajoutant sans cesse de nouvelles informations à nos visions étriquées, photographiant le plus violent comme le plus anodin, pour nous confronter de manière profonde à ces questions essentielles à notre humanité. Nous publions ici, outre trois images de son exposition à l’Élysée, qu’il commente un peu plus largement pour La Couleur des jours, une adaptation d’un texte publié en anglais dans Foam Magazine en 2015 sous le titre «When Force is gone, there’s always mom» et qui étaie l’opiniâtreté de sa démarche.
Porteur de lumières
[29] pages 28-29
Au cœur des ténèbres en figure christique, dérisoire, émouvante, pathétique, résolue, aventureuse, Dominic Büttner est avec ses Dreamscapes un sculpteur de paysages. Il s’ingénie par un dispositif à la mesure de son énergie à habiter des territoires, à les traverser, porté sans doute par l’urgence de sortir de la nuit, d’échapper au cauchemar. Quelques images avaient été projetées aux Rencontres photographiques d’Arles en 2017. Aujourd’hui paraît un livre de haute lumière.
Au cœur des ténèbres en figure christique, dérisoire, émouvante, pathétique, résolue, aventureuse, Dominic Büttner est avec ses Dreamscapes un sculpteur de paysages. Il s’ingénie par un dispositif à la mesure de son énergie à habiter des territoires, à les traverser, porté sans doute par l’urgence de sortir de la nuit, d’échapper au cauchemar. Quelques images avaient été projetées aux Rencontres photographiques d’Arles en 2017. Aujourd’hui paraît un livre de haute lumière.
On vous attend
[29] pages 30-31
Je regrette mon rire et celui des autres. Je regrette les rencontres. Les promesses informulées et les déclarations d’amour. Et dans l’absence, savourer la distance et jouir du retour. Je regrette le frôlement d’une main quand le geste est inattendu. Je regrette mon reflet et les mots des autres. L’incomparable consolation des amitiés nourries. (…)
> On vous attend (Éditions art&fiction)
Je regrette mon rire et celui des autres. Je regrette les rencontres. Les promesses informulées et les déclarations d’amour. Et dans l’absence, savourer la distance et jouir du retour. Je regrette le frôlement d’une main quand le geste est inattendu. Je regrette mon reflet et les mots des autres. L’incomparable consolation des amitiés nourries. (…)
> On vous attend (Éditions art&fiction)
Portraits de Greta Gratos
[29] pages 34-37
Greta Gratos est née au XXe siècle, lors d’un Bal des sorcières à l’Usine de Genève. Enfin, est-elle vraiment née ce jour-là, ou est-elle éternelle? Il semble qu’elle ait fasciné beaucoup d’artistes à travers les siècles. À son tour, la cinéaste Séverine Barde a tenté l’expérience, en auscultant subtilement l’interaction avec celui qui l’incarne depuis 1994, l’acteur Pierandré Boo. Un documentaire où l’on voit la diva sur scène mais aussi en privé et lors de ses engagements politiques.
Le regard du lièvre
[29] pages 38-39
Retrouvé depuis peu, ce trésor restitue avec grâce la vie des deux côtés de la frontière jurassienne, témoignage photographique d’un temps où les locomotives crachaient encore de la vapeur et où les jeunes filles se coiffaient comme Brigitte Bardot pour aller flirter au bord du Doubs.
> Le regard du lièvre (Éditions d’autre part)
Retrouvé depuis peu, ce trésor restitue avec grâce la vie des deux côtés de la frontière jurassienne, témoignage photographique d’un temps où les locomotives crachaient encore de la vapeur et où les jeunes filles se coiffaient comme Brigitte Bardot pour aller flirter au bord du Doubs.
> Le regard du lièvre (Éditions d’autre part)
Chronique